L’équipe de SYNEXIAL remercie vivement Maître Clarisse PERRIN et Maître Lionel HERSCOVICI pour leur excellent travail et pour autoriser sa diffusion sur notre blog.
La procédure de reconnaissance d’une inaptitude et celle liée au licenciement pour inaptitude du salarié fait, depuis longtemps, l’objet d’un important contentieux. La jurisprudence de la Cour de cassation est abondante et laisse la place à une importante insécurité juridique pour l’employeur.
Actuellement, un salarié ne peut être déclaré inapte qu’après avoir passé deux visites médicales espacées de 15 jours. L’avis d’inaptitude est des plus succincts, le médecin du travail se contentant souvent d’indiquer « inapte », ou « apte partiellement au poste ». L’employeur se trouve alors dans l’obligation de rechercher un emploi compatible avec les minces indications du médecin du travail, sans pour autant savoir quel poste serait adapté.
Il était temps de réformer et de simplifier cette procédure d’inaptitude, ce que la loi « El Khomri » a tenté de faire (Article 102 de la loi n° 2016-1088 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels).
Précisons que les dispositions de la loi travail relative à la procédure d’inaptitude sont désormais applicables.
1.Le constat de l’inaptitude par le médecin du travail : une nouvelle procédure répondant, un peu plus, à la pratique (article L. 4624-1 et suivants du Code du travail)
La procédure d’inaptitude devra désormais respecter un minimum de trois étapes :
-Le médecin du travail devra, d’abord, effectuer une étude de poste du salarié (ou solliciter un membre de l’équipe pluridisciplinaire pour effectuer une telle étude) ;
-Il devra, ensuite, échanger avec le salarié et l’employeur sur la situation ;
-Enfin, une fois sa décision prise, il devra de nouveau recevoir le salarié pour échanger avec lui sur les conséquences de sa décision et sur les indications et/ou précisions qu’il compte adresser à l’employeur.
L’avis d’inaptitude du médecin devra être écrit, détaillé et motivé, assorti d’indications relatives au reclassement et préciser la capacité du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté.
L’employeur aura l’obligation de respecter l’avis d’inaptitude. Pour sa mise en œuvre, il pourra être aidé par un membre de l’équipe pluridisciplinaire ou un organisme compétent.
A défaut de respecter cet avis, il devra en justifier par écrit tant au salarié qu’au médecin du travail et saisir la juridiction compétente.
Désormais, la contestation des éléments de nature médicale de l’avis d’inaptitude relève du Conseil de Prud’hommes, saisi en référé (au lieu de l’inspecteur du travail aujourd’hui). Le décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 précise également qu’en cas de contestation, sa saisine devra intervenir dans les 15 jours de la notification de l’avis d’inaptitude. Il ajoute que ce délai et les modalités d’un tel recours figureront sur l’avis rendu.
L’action aura pour objet de désigner un médecin-expert qui étudiera l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail, sur les éléments médicaux.
En conclusion, la loi dite « El Khomri » a permis de légaliser la procédure de constatation de l’inaptitude par le médecin du travail. Le Code du travail prévoit une véritable obligation de dialogue avec l’employeur, ce qui permettra de faciliter les choix de ce dernier quant à un éventuel reclassement du salarié.
Il convient de noter que cette procédure légale ne fait pas référence à la visite médicale du médecin du travail. Pour autant, celle-ci nous apparaît un préalable indispensable à la mise en œuvre de la procédure de reconnaissance d’inaptitude.
Le décret du 27 décembre 2016 susmentionné liste les différentes visites qui peuvent être réalisées par le médecin du travail, dont la visite de reprise. Les hypothèses de déclenchement de cette dernière restent inchangées. Le législateur a ajouté que lors de la réalisation de celle-ci, le médecin du travail devra « vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé » et pourra « émettre, le cas échéant, un avis d’inaptitude« .
En l’absence d’une telle visite médicale de reprise et afin de constater l’inaptitude, le médecin du travail devra réaliser au moins un examen médical qui pourra s’accompagner d’examens complémentaires.
Cet ou ces examens permettront un échange sur les éventuelles mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou sur la nécessité de proposer un changement de poste.
Il devra également :
-
réaliser (ou faire réaliser) une étude de poste ainsi que des conditions de travail du salarié ;
-
échanger, par tout moyen, avec l’employeur.
Le décret indique que si le médecin l’estime nécessaire et afin de réunir tous les éléments permettant de motiver sa décision, il pourra effectuer un second examen dans un délai maximum de 15 jours, la notification de l’avis médical d’inaptitude devant intervenir au plus tard à cette date.
Il pourra également consulter le médecin inspecteur du travail.
Les motifs de l’avis du médecin seront consignés dans le dossier médical du salarié.
Enfin, le médecin peut toujours mentionner sur l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
2. La procédure de licenciement pour inaptitude : une uniformisation indispensable (article L. 1226-2 et suivants du Code du travail et article L 1226-10 et suivants du même Code)
Actuellement, l’inaptitude d’origine professionnelle ne suit pas la même procédure que celle d’origine non professionnelle, ce qui crée d’importantes confusions.
Avec la nouvelle loi, le législateur a mis fin à cette distinction et une seule procédure s’applique désormais.
La procédure peut être résumée comme suit :
Il est à noter que la consultation des délégués du personnel devient obligatoire quelle que soit l’origine de l’inaptitude, sauf lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer une solution de reclassement (en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 5 octobre 2016, n° 15-16.782). Dans ce cas, il devra en informer par écrit le salarié et lui fournir les raisons de cette impossibilité.
L’employeur pourra procéder au licenciement du salarié déclaré inapte s’il est dans l’impossibilité de lui proposer une solution de reclassement ou si le salarié a refusé l’emploi proposé conformément aux prescriptions légales.
Plus encore, il semble que l’obligation de reclassement soit réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues par le Code du travail et en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
Il convient toutefois de préciser qu’en l’état actuel de la jurisprudence (par exemple, arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2010, n° 09-66.687), l’employeur, qui propose une seule solution de reclassement que le salarié refuse, doit continuer à rechercher des solutions de reclassement.
Cette nouvelle procédure de reconnaissance de l’inaptitude du salarié et celle relative au reclassement ainsi qu’au licenciement pour inaptitude laissent encore subsister de nombreuses incertitudes et le contentieux afférent n’est pas prêt de s’estomper.
Article coécrit par Maître Clarisse PERRIN et Maître Lionel HERZCOVICI